Bruxelles: 23e réforme du COBAT ! Des surprises…

Publié par , le 24 avril 2018 - , , ,

Le Moniteur belge des 20 et 23 avril 2018 a publié une importante modification de la loi sur l’urbanisme à Bruxelles.

Vous trouverez ci-dessous un très bref résumé des 91 pages de l’ordonnance.

J’attire spécialement votre attention sur le fait qu’il faudra joindre un descriptif lors de la demande de renseignements d’urbanisme avant toute vente immobilière à Bruxelles.
 

Il s’agit de la 23ième modification du Code Bruxellois de l’Aménagement du Territoire (COBAT) depuis son adoption en 2004 et nous sommes assez satisfaits d’annoncer que le gouvernement bruxellois a rencontré de nombreuses revendications des propriétaires.

Malheureusement, le gouvernement bruxellois n’a pas tranché l’épineuse question de la régularisation des travaux de minime importance effectués dans le passé, de la même manière que l’ont fait la Flandre et la Wallonie. La réforme bruxelloise n’est pas suffisamment claire comme on le verra plus loin.

La nouvelle ordonnance fait 91 pages au Moniteur belge ; il est impossible d’en faire un bref résumé, mais bien de vous donner les points essentiels concernant les particuliers qui sont propriétaires d’un immeuble à Bruxelles.

Durée de validité d’un permis d’urbanisme. Le délai pour entamer les travaux après avoir obtenu un permis d’urbanisme, souvent après des années, a été porté d’un an à trois ans ce qui est nettement plus confortable pour les propriétaires. De plus, ce délai pourra être prolongé, mais d’un an seulement, à la condition fort stricte que la demande de prolongation ait été introduite au moins deux mois avant l’expiration du délai.

Validité d’un permis d’urbanisme dont une partie seulement a été réalisée. La nouvelle ordonnance précise que le permis sera périmé si – dans ce délai de trois ans – les travaux n’ont pas été « entamés de façon significative » ou, dans certains cas, si les travaux de gros œuvre n’ont pas été entamés. L’interruption des travaux pendant plus d’un an entraîne également la péremption du permis, mais dans cette hypothèse, la péremption n’affecte que la partie non réalisée du permis, à la condition que la partie réalisée puisse être considérée comme « un élément autonome ».

Plus de permis de lotir pour séparer un lot à bâtir qui est déjà le long « d’une voie de communication». La nouvelle ordonnance entend dorénavant par « lotir un terrain », le fait de diviser une propriété en y créant ou en y prolongeant une voie de communication desservant un ou plusieurs lot(s) non bâti(s), dont un au moins est destiné à l’habitation et qui y sont créés en vue d’être cédé(s) ou loué(s) pour plus de neuf ans. Il s’agit d’une condition cumulative de sorte que si le terrain en question se trouve déjà le long d’une voie de communication, la vente pourra se faire moyennant une simple notification de division par le notaire, sans devoir recourir à la délivrance d’un permis de lotir au préalable. Toutefois, il est vivement conseillé à l’acquéreur de s’assurer que son terrain ne sera pas considéré comme trop exigu et qu’il pourra bien obtenir un permis de bâtir selon la règle du « bon aménagement des lieux ».

La demande de renseignements d’urbanisme. La nouvelle ordonnance confirme l’obligation de remettre à l’acquéreur des renseignements d’urbanisme, mais en permettant dorénavant de le faire à l’acte notarié, bien que nous conseillons toujours de régler cette question d’urbanisme lors du compromis de vente pour éviter des discussions sans fin entre la signature du compromis et de l’acte notarié. L’ordonnance précise cette fois que ces renseignements doivent être communiqués par le propriétaire qui a l’intention de mettre un immeuble en vente ou en location pour plus de neuf ans, ou de constituer un droit d’emphytéose ou de superficie. Ces renseignements ne sont pas exigés en cas de succession, de donation, d’apport en communauté, d’apport en société, ou en cas de partage, mais dans ce dernier cas, nous conseillons de le demander tout de même, pour que les parties partageantes soient bien informées de l’incidence que peut avoir une infraction d’urbanisme sur la valeur de leur lot.

La demande de renseignements d’urbanisme sera accompagnée « d’un descriptif sommaire ». La nouvelle ordonnance prévoit une tâche supplémentaire pour les vendeurs, celle de joindre un « descriptif sommaire » à la demande de renseignements d’urbanisme. Ce descriptif, éventuellement accompagné d’un reportage photographique légendé et indiquant les différents endroits de prise de vue, est repris dans un arrêté du gouvernement qui prévoit :
a. Soit une description littérale du bien à vendre dans « le seul cas où celui-ci suffit à comprendre parfaitement la situation de fait du bien » ;
b. Soit un croquis ou un plan du bien à vendre

En outre, le descriptif sommaire doit être accompagné des éléments suivants :
• L’adresse exacte avec le numéro parcellaire du cadastre ;
• Les caractéristiques des façades visibles depuis l’espace public
• La destination ou l’utilisation du bien vendu
• Le nombre de logements
• Le nombre d’emplacement de parking

Un tarif uniforme pour la demande de renseignements d’urbanisme : 80 euros. Ce tarif pourra être doublé si le demandeur en demande la délivrance dans les 5 jours ouvrables au lieu du délai ordinaire qui reste à 30 jours calendrier. Ce tarif sera indexé sur l’indice des prix à la consommation, mais on peut déjà dire que c’est une avancée qui facilitera les demandes de renseignements car les tarifs variaient entre 60 et 250 euros selon les communes, avec une mention particulière à celles qui n’hésitaient pas à demander 400 euros pour le tarif d’urgence.

Le propriétaire innocent est enfin reconnu non-coupable ! Jusqu’à présent, tous les propriétaires étaient responsables des actes et travaux effectués par les précédents propriétaires, même si ces travaux dataient de plus de 10 ans. La nouvelle ordonnance limitera la responsabilité au seul auteur de l’infraction ; mais il y a un bémol. Ce bémol concernera le nouveau propriétaire qui a été informé de l’infraction dès lors qu’il décide « de sciemment poursuivre des actes ou de maintenir des travaux exécutés sans permis ou au-delà de la validité du permis ou encore après l’annulation de celui-ci. ».
Le problème n’est dès lors pas entièrement résolu car les notaires et agents immobiliers devront être très prudents dans la rédaction de leurs actes en présence d’une infraction ou d’un fait discutable avec des infractions mineures comme l’aménagement d’un grenier, la fermeture d’une terrasse arrière, ou le remplacement de châssis de fenêtre par exemple.

S’ils indiquent que le nouveau propriétaire en avait connaissance, il sera responsable de l’infraction qu’il n’a cependant pas commise.

Prescription de 10 ans pour les infractions d’urbanisme, mais à partir de quand ? La nouvelle ordonnance introduit une prescription des infractions d’urbanisme qui ne seront plus poursuivies après 10 ans à compter « de la réception par l’intéressé du procès-verbal dressé à son encontre…».

La rédaction de ce nouveau texte laisse à désirer pour trois raisons :
• Seules les infractions graves, celles qui font l’objet d’un procès-verbal administratif, feront l’objet de la prescription alors que les infractions mineures, qui bien souvent ne font pas l’objet d’un PV, ne bénéficieront pas de cette mesure ;
• La pratique démontre que la plupart des infractions d’urbanisme sont simplement mentionnées par les services communaux sans que ceux-ci ne se donnent la peine d’établir un procès-verbal, de sorte que le délai de 10 ans ne commencera jamais à courir ;
• les procès-verbaux existants vont nécessairement être repris dans les renseignements d’urbanisme à communiquer au notaire chargé de la vente, même s’ils ont plus de 10 ans, de sorte que le nouveau propriétaire en aura connaissance… perdrait-il le bénéfice de la prescription ?

Régularisation simplifiée pour les infractions commises avant le 1er janvier 2000. La nouvelle ordonnance a repris sous une forme modifiée l’ancienne règle de prescription introduite par un précédant gouvernement, en changeant la date du 1er juillet 1992 au 1er janvier 2000.
Il sera dès lors possible pour les propriétaires de solliciter un permis simplifié pour « les actes et travaux qui étaient soumis à permis d’urbanisme préalable au moment de leur accomplissement et accomplis avant le 1er janvier 2000 sans qu’un tel permis ait été obtenu ».

Ces permis d’urbanisme de régularisation simplifiés ne concernent pas toutes les infractions ; seules les infractions réunissant les conditions suivantes sont concernées :
« – les travaux doivent être conformes soit à la réglementation en vigueur au moment où ils ont été exécutés, soit à la réglementation en vigueur le jour où la commune statue dans le cadre du présent article ; »
« – ils n’étaient pas soumis, au moment où ils ont été exécutés, et ne sont pas soumis, le jour où la commune statue dans le cadre du présent article, à évaluation de leurs incidences en vertu du présent Code ou d’autres dispositions légales ou réglementaires. »

Là aussi, la rédaction est malheureuse car avec toutes les modifications que nous connaissons du Code – 23 en 14 ans – il est courant qu’un travail soit autorisé une année et pas l’autre ; la rédaction du texte pourrait faire croire que seules l’année des travaux et l’année de la demande de régularisation peut être prise en compte, même si, entretemps, une ordonnance avait régularisé l’infraction.

Exemple courant : l’aménagement d’un grenier. Prenons l’exemple fort courant de l’aménagement des greniers sans création d’un logement séparé : ces travaux étaient autorisés sans permis avant 1962, ils seront soumis à permis entre 1962 et 2003, ils seront à nouveau autorisés sans permis entre 2003 et 2008 et depuis 2008, rien n’est clair à ce sujet.

Si, dans un cas précis, cet aménagement a été effectué en 1995, factures à l’appui ; qu’en est-il ?

La jurisprudence donne une réponse claire à cette question : le propriétaire ne doit pas se faire de soucis dès lors que l’arrêté du gouvernement du 12 juin 2003 a dispensé de permis ce type de travaux : tous les greniers aménagés avant 2008 sont considérés comme réguliers, même en l’absence de permis.

La nouvelle disposition n’a pas du tout inclus cette jurisprudence de sorte que ce qui était régulier il y a plus de 10 ans ne le serait subitement plus aujourd’hui ? C’est une atteinte au droit de propriété car la jurisprudence des cours supérieures a toujours considéré qu’une perte de jouissance d’une propriété privée doit être proportionnée pour être admise sans indemnisation préalable.

Confesse obligatoire. On le voit, la Région de Bruxelles-Capitale a introduit une notion de prescription des infractions d’urbanisme mineures comme l’ont fait, avant elle, la Flandre et la Wallonie.

Mais contrairement à la Flandre et la Wallonie, il faut aller à confesse à Bruxelles pour obtenir l’absolution.

Ce n’est pas sans arrière-pensée que le gouvernement bruxellois a introduit cette régularisation obligatoire car la délivrance du permis sera communiquée à l’administration du cadastre qui viendra visiter le bien pour en augmenter le revenu cadastral.

Les propriétaires concernés paieront ainsi plus d’impôts.

Là aussi rien de neuf depuis des siècles ; pas de remise de péchés sans règlement d’une indulgence sous forme de contribution financière.

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