Bxl: loyers abusifs: mode d’emploi

Publié par , le 16 avril 2025 - ,
« L’enfer est pavé de bonnes intentions… » : Encadrement des loyers présumés abusifs à Bruxelles : mode d’emploi et sort de l’agent immobilier (à la fin 😊 )
À titre de préambule, je précise que cette contribution n’a aucune couleur politique et ne porte aucun jugement de valeur sur les qualités de locataire et de bailleur… elle vise simplement à « clarifier », autant que faire ce peut, le brouillard règlementaire dans lequel les personnes concernées sont placées !
C’est parti !
C’est donc à dater du 1er mai 2025 que, dans le cadre de la location résidentielle, le bailleur bruxellois sera tenu de ne pas proposer un loyer abusif (article 224/1 du code bruxellois du logement).
Le loyer sera présumé abusif si :
– Soit il dépasse de vingt pour cent son loyer de référence (donc PLUS de 20 % du loyer médian proposé par la grille indicative des loyers bruxelloise)
– Soit il n’excède pas de vingt pour cent son loyer de référence mais le bien loué accuse des défauts de qualité substantiels intrinsèques au logement ou à son environnement.
Poursuivons….
Si le bailleur propose, malgré tout, un loyer présumé abusif… il n’y a pas, à ce jour, d’amende prévue.
Que peut-il alors se passer ?
Le locataire aura la possibilité de demander un avis de la commission paritaire locative (CPL) sur une révision du loyer OU de saisir immédiatement le juge de paix. Si les parties ne parviennent pas à un accord après la conciliation organisée par la CPL, le preneur peut encore demander une révision au juge de paix.
Dans quels délais la demande doit-elle être introduite ?
Pour les baux de 9 ans : le preneur ne pourra introduire une demande de révision pour loyer abusif que trois mois APRES la prise de cours du contrat de bail de 9 ans;
Pour les baux de courte durée supérieure à un an : ce délai est réduit à deux mois.
Pour les baux de courte durée inférieure à un an : pas de délai (silence assourdissant du législateur….)
Attention : une fois la commission paritaire locative saisie, le locataire bénéficiera automatiquement d’un régime de protection de trois mois à dater du lendemain de la saisine. Le congé notifié par le bailleur, après la saisine de la commission paritaire locative, est suspendu pendant cette période et ne produit ses effets qu’à l’expiration de ce délai (article 12 de l’ordonnance du 04.04.2024 modifiant le code bruxellois du logement)
Une fois la CPL ou le juge de Paix saisis : que se passe-t-il ?
Le bailleur peut tenter renverser la présomption de loyer abusif et justifier son loyer en établissant que la différence entre le loyer pratiqué et le loyer de référence est justifiée par des éléments de confort substantiels intrinsèques au logement ou à son environnement !
Constatation : la rédaction du bail se professionnalise ! Si le loyer proposé est supérieur à 20 % du loyer médian de la grille, le bailleur devra, pour « contrer » la présomption d’abus, décrire avec précision les éléments de confort et/ou prestations de l’immeuble loué qui ne sont pas pris en compte par la grille indicative et qui justifient une rémunération par le biais d’un loyer plus élevé.
Exemples non exhaustifs : Une villa quatre façade, une maison de maître, une architecture remarquable ou prestigieuse, une cuisine standing, un parquet en bois massif, une cheminée, une installation domotique constituent des éléments de confort substantiels. Une abondance d’espaces verts, une quiétude singulière, une vue remarquable constituent un environnement immédiat qualitatif.
Et si le loyer est considéré abusif : la décision (conciliation en CPL) de révision oblige-t-elle le bailleur à rembourser ?
Sauf accord contraire des parties contractantes, le loyer révisé tel que proposé par la commission paritaire locative rétroagira à dater du premier jour du mois qui suit la date de saisine de la commission.
En cas de saisine du Juge de paix, le loyer révisé rétroagira au plus tôt 4 mois avant la date du dépôt de l’acte introductif d’instance ; la rétroactivité peut remonter au premier mois du contrat de bail si le bailleur du bien loué a déjà été amené à devoir réviser un loyer abusif concernant le bien loué.
Et voilà…
Une dernière chose, à mon sens, importante !
Les agents immobiliers qui interviennent dans le cadre de la location vont, à nouveau, être entre le marteau et l’enclume !
Je m’explique.
La grille indicative « contraignante » fournit des chiffres « théoriques » sur base d’une information « lacunaire » tandis que l’agent immobilier compétent fournit une évaluation de la valeur locative sur base d’une visite de terrain et d’une expérience professionnelle que ladite grille ignore totalement et superbement (bravo pour la concertation du politique avec le secteur…).
Il risque donc d’y avoir des différences notables entre la valeur « théorique » de la grille et la valeur estimée par l’agent immobilier…
Sur cette base, le choix, par le propriétaire, de la valeur estimée pourrait faire passer le loyer dans la catégorie « présumé abusif ».
Dans une telle situation, le locataire se voit ouvrir la porte de la contestation… à l’issue incertaine.
Qui supportera la responsabilité d’une éventuelle révision de loyer dans ce cas : le bailleur qui a choisi ou l’agent qui a estimé ?
On ne peut vider de sa substance l’obligation qu’a l’agent immobilier de réaliser une estimation sérieuse et correcte (c’est d’ailleurs prévu par la code de déontologie).
En clair, si l’agent a sorti les chiffres « de son chapeau » et que le propriétaire suit cette estimation fantaisiste, la responsabilité de l’agent pourra, à mon estime être mise en cause.
Par contre, si l’agent immobilier a réalisé son estimation en justifiant ses chiffres et en les objectivant par des critères dont la grille ne tient pas compte, il aura fait son travail correctement et permis au bailleur de faire son « choix » en étant parfaitement informé du risque et de ses limites.
Dans ce cas, une clause limitative de responsabilité pourrai trouver à s’appliquer.
Bon courage à toutes et tous ! 😊
Illustration: Depositphotos

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