Le tribunal de première instance de Gand, statuant en degré d’appel, constate et confirme que l’appartement loué était bien affecté de défauts qui troublaient l’occupation du locataire.
Cette même juridiction estimera que ces défauts ne sont pas assez importants pour justifier la résolution du bail aux torts du bailleur.
Dans le cas d’espèce, le locataire avait, en raison des défauts constatés, suspendu le paiement des loyers en se fondant sur l’exception d’inexécution (réponse au non-respect par le bailleur de ses obligations).
Le tribunal considérera que la suspension et donc l’absence de paiement des loyers est un manquement grave qui justifie la résolution judiciaire du bail aux torts du locataire.
Insatisfait de cette décision, le locataire se pourvoit en cassation et invoque la violation des dispositions relatives à l’exception d’inexécution.
Selon lui, le fait que la faute du bailleur ne soit pas suffisante pour casser le bail à ses torts, ne signifie pas nécessairement qu’il ne pouvait pas suspendre l’exécution de son obligation de paiement.
De plus, selon le locataire, l’exercice de l’exception d’inexécution en réponse à des manquements établis ne peut en soi provoquer la résolution à ses torts.
Que va décider la Cour de Cassation ?
En premier lieu, elle rappelle les principes.
1. Selon l’article 1184 du Code civil, la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans le contrat synallagmatique.
2. La partie victime d’un manquement contractuel peut soit poursuivre l’exécution forcée soit la résolution avec dommage.
3. Lorsque la résolution est demandée, le juge doit examiner en fonction des circonstances de fait, si la gravité de la faute est suffisante pour justifier la résolution.
4. Dans le contrat synallagmatique, vu l’exécution trait pour trait des obligations, chaque partie a le droit de suspendre l’exécution de son obligation, si l’autre partie reste en défaut d’exécuter la sienne, et tant que cette partie reste en défaut.
5. Le principe général de droit de l’exception d’inexécution permet d’opposer cette exception sans l’intervention préalable du juge.
6. Le juge doit vérifier si la partie qui invoque l’exception d’inexécution prouve que son cocontractant est en défaut et n’invoque pas l’exception en dehors des limites de l’interdépendance des obligations respectives.
De ces principes, la Cour déduira :
« De la seule circonstance que l’inexécution par une partie de ses obligations n’est pas un manquement assez grave pour provoquer la résolution du contrat, il ne peut être déduit que le cocontractant, qui suspend l’exécution de son obligation en invoquant l’exception d’inexécution, commet ainsi une faute grave qui justifie la résolution à ses torts. »
Et le jugement sera cassé… et la cause rejugée.
Cet arrêt rappelle clairement les principes.
Un magistrat ne peut donc dans une même décision et sans se contredire, relever les défauts l’immeuble loué et en imputer la responsabilité au bailleur et sanctionner le locataire en cassant le bail à ses torts au motif qu’il opposait à ces défauts la suspension du paiement du loyer.
Il n’en demeure pas moins qu’il doit y avoir une proportionnalité entre l’exception d’inexécution et l’ampleur des défauts qui la justifient…