De plus en plus de propriétaires nous consultent car, à la suite des confinements et invitations au télétravail, les locataires travaillent chez eux et déduisent le loyer payé.
Bien que le contrat de location interdise au locataire de déduire son loyer, il arrive que le locataire le fasse.
Les conditions peuvent être très lourdes financièrement pour le propriétaire.
Illustrons notre propos.
1ère hypothèse
Je loue un bien dont le revenu cadastral est de 750€. Le loyer demandé est de 1000€ par mois. Le locataire respecte la non-déduction de son loyer.
Je serai donc taxé sur le RC indexé + 40%.
Pour cette année, cela s’élèvera donc à 750€ x 1,863 x 1,4 = 1.956,15€.
L’impôt devrait être de 978,01€
2ème hypothèse
Je n’ai pas autorisé le locataire à déduire ce loyer, mais il le fait dans mon dos. Il déduit ce loyer de ses revenus professionnels. Ce que l’administration fiscale donne d’une main, elle le reprend de l’autre.
Elle va donc taxer le propriétaire qui va donc recevoir un joli petit avis de rectification lui demandant s’il est d’accord sur la correction opérée.
Imaginons que le locataire a déduit un quart de son loyer.
Je serai donc taxé comme suit :
- Partie privée : (750€ x ¾) x 1,863 x 1,4 = 1.467,11€
- Partie professionnelle : (250 x 12 mois) – 40%= 1.800€
- Total de la base imposable : 1.467,11€ + 1.800€= 3.267,11€ (au lieu de 1.956,15€)
- L’impôt devrait être de 1.633,55€ (au lieu de 978,01€)
1er tempérament : la jurisprudence fiscale
Bien entendu, ce n’est pas parce que l’administration vous adresse un avis de rectification, que vous devez tenir pour acquis ce qu’elle écrit.
La jurisprudence a déjà statué dans un sens favorable aux propriétaires.
la Cour d’appel de Bruxelles a considéré que : « En présence d’un bail de résidence principale qui prévoit que «le preneur déclare louer le bien à usage privé (et qu’) il ne pourra changer cette destination … qu’avec l’accord écrit du bailleur», l’administration ne peut se fonder sur la seule déclaration à l’impôt des personnes physiques non vérifiée du locataire, qui a postulé la déduction d’une partie du loyer comme frais professionnels, pour imposer le bailleur sur la base des loyers réels plutôt que du revenu cadastral. Ce faisant, l’administration reste en défaut de prouver que l’immeuble aurait réellement été utilisé à des fins partiellement professionnelles par le locataire » (FJF 2003/155 – Cour d’appel de Bruxelles dd. 13.12.2002)
« La déduction de charges locatives par le locataire n’entraîne pas automatiquement l’imposabilité des revenus locatifs réels dans le chef du propriétaire-bailleur. Il n’existe aucune règle de droit fiscal selon laquelle il devrait toujours y avoir un revenu imposable en regard de frais professionnels ». (FJF 2007/277 – Cour d’appel de Bruxelles dd. 23.5.2007)
2ème tempérament : recours à justice de paix
Vous avez essayé de discuter avec l’administration fiscale. Elle maintient ses prétentions.
Vous ne souhaitez toutefois pas introduire une procédure en justice devant le juge fiscal contre l’Etat belge.
Il vous reste donc à vous retourner contre votre locataire pour qu’il vous paye le complément d’impôt (soit 1633,55-978,01=655,54€) que vous avez dû supporter à la suite de son comportement, d’abord par une mise en demeure et ensuite, s’il ne paye pas, par l’introduction d’une procédure devant le juge de paix.
A notre connaissance, tous les juges ont accueilli favorablement les demandes des propriétaires à cet égard.
3ème tempérament : vous avez un accord avec votre locataire
Dans ce cas, je vous conseille de ventiler dans votre contrat de location le % affecté à l’habitation et le % affecté à la partie professionnelle et de faire enregistrer le bail.
Ainsi, vous pourrez bénéficier de l’application de l’article 8 du Code des impôts sur les revenus qui énonce que : « Lorsqu’un bien immobilier sis en Belgique et donné en location à une personne physique et lorsque le loyer et les avantages locatifs sont déterminé, dans un contrat de location, soumis à la formalité de l’enregistrement, séparément pour la partie qui est affectée à l’exercice de l’activité professionnelle et pour la partie qui est affectée à d’autres fins, les revenus afférents à chaque de ses parties sont déterminés conformément à l’article 7 § 1°, 2 A ou C selon les cas ».
Imaginons que nous sommes d’accord pour dire que 10% de l’appartement sera affecté à l’activité professionnelle.
Je serai donc taxé comme suit :
- Partie privée : (750€ x 90%) x 1,863 x 1,4 = 1.760,53€
- Partie professionnelle : (75 x 12 mois) – 40%= 540€
- Total de la base imposable : 1.760,53+ 540€= 2.300,53€ (au lieu de 3.267,11€)
- L’impôt devrait être de 1.150,27 (au lieu de 1.633,55€)
Cette solution revient à la même que si votre locataire avait déduit son loyer dans votre dos, à la différence que vous le savez et que donc vous pouvez vous mettre d’accord sur une répartition correcte. De la sorte, vous éviterez des avis de rectification de l’administration qui admettons -le n’est guère un courrier recommandé qu’on aime recevoir.
En conclusion, si votre locataire déduit son loyer sans vous prévenir, vous n’êtes pas démunis.
Un commentaire pour Help ! Mon locataire déduit son loyer sans mon autorisation
Grand merci pour cet article! Très intéressant à savoir au cas où…