Une vente immobilière peut-elle être annulée pour réticence dolosive commise par le propriétaire vendeur visant à dissimuler des infractions urbanistiques ?
Le dol est un des vices du consentement générant des conséquences sur la validité du contrat formé…
C’est une variété de fraude consistant dans l’emploi de tromperie en vue d’amener une personne à contracter qui nécessite :
– Une intention de tromper
– L’emploi de moyens caractérisés (manœuvres, mensonges).
Attention, il faut que le dol soit déterminant et il convient de faire la distinction entre :
Le dol incident : en l’absence duquel la partie aurait quand même contracté mais n’aurait, par contre, pas accepté
des conditions aussi désavantageuses entraînera des dommages et intérêts.
Le dol principal ou déterminant : en l’absence duquel le contractant se serait abstenu de contracter (cause d’annulation).
Il faut que le dol émane de son cocontractant (art. 1116). S’il émane d’un tiers il n’y a, en principe, pas d’annulation mais des dommages et intérêts contre le tiers auteur du dol.
Ce bref aspect théorique étant rappelé, une vente immobilière peut-elle être annulée pour réticence dolosive commise par le propriétaire vendeur visant à dissimuler des infractions urbanistiques ?
Les Cours d’appel de Bruxelles et de Liège ont confirmé, sur la même base légale, l’annulation de ventes immobilières au motif que le consentement des acquéreurs était vicié par la réticence dolosive des propriétaires vendeurs, qui leur ont caché des infractions urbanistiques essentielles.
Dans la première affaire tranchée par l’arrêt de la Cour d’appel de Bruxelles du 1er février 2013 (R.G. : 2009/AR/2772), l’acquéreur s’était rendu compte, à l’occasion de travaux réalisés dans l’immeuble postérieurement à la vente, que le vendeur y avait réalisé des travaux de transformation sans permis d’urbanisme et sans intervention d’architecte.
Dans la seconde affaire ayant donné lieu à l’arrêt de la Cour d’appel de Liège du 19 février 2013 (2011/RG/659), l’acquéreur avait été informé, postérieurement à la vente de l’immeuble, que son acquisition était illégale au motif que les permis de lotir et de bâtir octroyés sur le bien n’avaient pas été respectés.
Dans les deux cas, les vendeurs avaient de manière intentionnelle, « omis de fournir » ces informations pourtant essentielles, de sorte que le consentement de leurs acquéreurs s’en était trouvé vicié, provoquant l’annulation de la vente, la restitution du prix et le paiement de dommages et intérêts complémentaires.
On parle donc ici de DOL PRINCIPAL ou DETERMINANT (cfr supra)
La Cour d’appel de Bruxelles relève tout d’abord que l’acte authentique de vente précise que « le vendeur déclare et certifie qu’il n’a pas effectué de transformation ou construction extérieure au bien présentement vendu, nécessitant un permis d’urbanisme, depuis son acquisition et qu’il n’a effectué aucune transformation récente pouvant entraîner une révision du Revenu Cadastral » et que « le vendeur déclare [fusion_builder_container hundred_percent= »yes » overflow= »visible »][fusion_builder_row][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][…] que le bien ne recèle aucune infraction aux normes applicables en matière d’urbanisme et d’aménagement du territoire ».
La Cour en déduit souverainement que les vendeurs ont, au moment de la vente, caché un élément essentiel, soit la réalisation antérieure de travaux de transformation importants sans obtention d’un permis d’urbanisme, dont ils connaissaient parfaitement l’ampleur pour les avoir fait réaliser eux-mêmes, de sorte qu’ils ont retenu volontairement une information déterminante du consentement de l’acquéreur.
La Cour en conclut que sans l’omission intentionnelle des vendeurs, l’acquéreur n’aurait pas acquis le bien litigieux, confirme l’annulation de la vente et la restitution du prix.
La Cour d’appel de Liège, quant à elle, rappelle tout d’abord que l’obligation d’informer l’acquéreur d’un bien immobilier de l’existence de permis de lotir et/ou d’urbanisme portant sur ledit bien, constitue une obligation légale contenue à l’article 85 du CWATUPe applicable lors de la vente.
Selon la Cour, « il en résulte que le vendeur est tenu de mettre à disposition de l’acquéreur un immeuble régulier d’un point de vue urbanistique. Il a l’obligation de déclarer explicitement et expressément à l’acquéreur la situation urbanistique du bien. A défaut, le vendeur peut engager sa responsabilité envers l’acquéreur ».
L’acte de vente ne comportait aucune mention de l’existence des permis de lotir et de bâtir relatifs au bien, et aucun élément du dossier ne permettait de penser que l’acquéreur avait été informé avant ou lors de la vente de la situation urbanistique du bien.
La Cour précise que le silence du vendeur quant à la situation urbanistique du bien, non seulement en qualité de vendeur normalement loyal, prudent et avisé, mais aussi comme vendeur d’un bien immobilier sur lequel pèse une obligation légale d’information, constitue une réticence dolosive.
Sans cette réticence dolosive, l’acquéreur n’aurait pas acheté l’appartement puisque la vente est illégale et contraire aux prescriptions urbanistiques résultant du permis de lotir et du permis de bâtir, l’annulation de la vente et la restitution du prix sont donc confirmées.
Que peut-on en conclure ?
Beaucoup de vendeurs d’immeubles pensent encore souvent pouvoir se débarrasser facilement de leur bien vicié en cachant volontairement à l’acquéreur des éléments essentiels… et il est heureux de pouvoir constater que la jurisprudence applique sans hésitation les règles relatives aux vices de consentement.
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