Pour rappel, le Code judiciaire donne l’opportunité à des parties en conflits de recourir à la Médiation pour tenter de trouver une solution. Elles peuvent le faire en choisissant de commun accord un médiateur agréé.
Examinons ensemble les avantages de recourir à ce processus en partant d’un exemple[1] concret de conflit :
- « Le 20 juin 2019, Mr et Mme Denver, acquéreurs, signent un compromis de vente pour une résidence secondaire d’une valeur de 350.000€, qui comporte une condition suspensive et une condition résolutoire :
- Condition suspensive : L’obtention par les acquéreurs d’un crédit bancaire
- Condition résolutoire : L’obtention par les vendeurs de la régularisation d’aménagements de la maison effectués sans autorisation ou permis de bâtir construction d’une piscine et d’une petite annexe 4 ans plus tôt)
La demande de régularisation avait déjà été introduite par les vendeurs, Mr et Mme Montana dans le courant du mois de mai 2019, soit un mois avant la signature du compromis.
Les acheteurs ont payé un acompte de 10% (soit 35.000€) à l’agence immobilière par l’intermédiaire de laquelle la transaction a eu lieu.
La signature de l’acte authentique est prévue au plus tard pour le 30 octobre 2019.
- Les acheteurs obtiennent le prêt hypothécaire dans les temps mais les parties ne reçoivent pas de nouvelles de l’administration concernant la régularisation des travaux et l’acte authentique n’est pas signé le 30 octobre 2019.
- Le 15 novembre 2019 l’administration adresse aux vendeurs une lettre annonçant qu’il existe d’autres infractions urbanistiques. En effet, il manque encore des plans pour la piscine, il existe des problèmes par rapport au placement de châssis et le choix de leur couleur ainsi que par rapport au revêtement du toit du garage.
- Informés de ce courrier et découragés par ces infractions nouvelles notifiées, les acheteurs adressent aux vendeurs, une lettre recommandée datée du 25 novembre 2019 par laquelle ils indiquent qu’il y a une rupture de la convention, la condition résolutoire s’étant réalisée. Les acheteurs réclament en outre la restitution des 35.000€ d’acompte.
- Les vendeurs s’opposent à la restitution des 35.000 € estimant qu’ils ne savaient pas, de bonne foi, que d’autres infractions existaient et qualifient la rupture d’unilatérale et sans fondements de la part des acquéreurs. En effet, ceux-ci avaient confirmés par écrit qu’ils restaient intéressés par l’immeuble sans qu’une date limite ne soit indiquée.
- Le 15 décembre 2019 l’administration octroie le permis de régularisation pour l’ensemble des irrégularités pour autant que les travaux nécessaires soient effectués dans les 90 jours, soit avant la mi- mars. Les vendeurs, Mr et Mme Montana, exécutent les travaux mais ceux-ci se termineront au-delà de la mi-mars compte tenu des conditions climatiques particulièrement mauvaises pendant l’hiver et du lock-down imposé par le Covid.
- N’ayant plus de nouvelles de Mr et Mme Denver, la maison sera vendue à de nouveaux acheteurs au mois de juillet 2020 au prix de 380.000 €.
- Mr et Mme Denver ne renoncent cependant pas à leur droit présumé de réclamer le remboursement de l’acompte versé et adressent une mise en demeure à Mr et Mme Montana »
Quels sont les avantages d’une médiation par rapport à une procédure judiciaire?
- La durée
Procédure judiciaire | Médiation |
1 à 2 ans | 2 à 4 mois |
Procédure judiciaire |
Si les parties n’arrivent pas à un accord amiable et que toutes deux, accompagnées d’avocats, ont une longue liste d’arguments pour invoquer leur bonne foi et la légitimité en faits et en droit de leurs positions, il est quasi improbable que le litige tel que décrit ne se règle en moins d’un an voir deux si les parties vont en appel.
Il n’est même pas rare que les parties doivent attendre 5 ans ou plus pour obtenir une décision de justice définitive |
Médiation |
En matières civiles et commerciales, comme c’est le cas dans l’exemple, une médiation se déroule en 3 voire 4 séances de plus ou moins 3 heures chacune. Généralement les réunions se tiennent à 15 jours d’intervalle. Il est donc tout à fait possible d’obtenir un accord en 1 mois ½ ou 2 et des urgences peuvent même être réglées en une séance. Quand bien même les circonstances particulières allongeraient le temps, il est assez rare d’atteindre les 3 ou 4 mois.
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- Le coût[2]
Procédure judiciaire | Médiation |
De 5.000€ à 11.000€ par partie
En fonction du nombre de procédures, sur base de 30h max de facturation pour 1 procédure. Montants auxquels il convient d’ajouter les frais et indemnités de procédure |
De 2.000€ à 4.000€ par partie
Sur base de 3 réunions de 3h et en fonction de la présence ou pas d’un avocat pour chacun, ce qui est conseillé mais non obligatoire. |
Procédure judiciaire |
Pour une procédure où chaque partie entend déposer des conclusions, vous pouvez imaginer le nombre d’heures que peut passer un avocat sur un dossier judiciaire : réunions avec son client, rédaction de la requête ou citation, recherches juridiques, rédaction des conclusions et conclusions additionnelles, échange de courriers avec l’avocat de la partie adverse, plaidoirie et éventuellement l’exécution forcée du jugement. Plusieurs dizaines d’heures !
Soyons raisonnables et imaginons que votre conseil ne vous facture pour tout cela que 30h sur une base horaire de 180€ plus 250€ de frais administratifs (il est vraiment sympa). Votre facture s’élèvera à 5.650€ HTVA. Vous pouvez doubler ce nombre d’heure si vous allez en appel, soit 11.300€ HTVA, par partie. Ajoutez en outre les frais de justice et indemnités de procédure et éventuellement des frais d’huissier et d’exécution forcée du jugement. |
Médiation |
En médiation, vous ferez déjà l’économie de tous les actes de procédures. Le Médiateur vous fera signer un Protocole de Médiation puis rédigera l’accord intervenu (à moins que ce ne soit un avocat qui le rédige) que vous pourrez homologuer si vous le souhaitez.
Une première séance d’une heure sera organisée pour informer les parties du fonctionnement de la médiation et pour convenir de l’agenda. Cette séance n’est pas facturée. Ensuite, si on part du principe qu’en moyenne trois réunions de 3h sont suffisantes, le Médiateur vous facturera en moyenne 9h de médiation, auxquelles s’ajoutent disons 4h pour la rédaction de certains documents et 250€ de frais administratifs, soit 13x 180€ = 2.340€+ 250€ = 2.590€ à diviser entre les parties, soit 1.295€ HTVA par partie[3]. Chaque partie devra en outre supporter les frais de son avocat et dans le cas d’espèce nous pouvons raisonnablement supposer qu’il facturera plus ou moins la même chose que le Médiateur. Le coût serait donc pour chaque partie de 1.295€ pour la médiation et de 2.590€ pour les honoraires d’avocat soit, 3.885€ HTVA par partie. |
- Satisfaction de la décision
Procédure judiciaire | Médiation |
Toute issue est possible | Les parties seront toujours satisfaites de l’accord qu’elles ont co-construit. |
Procédure judiciaire |
Dans une procédure judiciaire, vous n’êtes pas maître de la décision. Vous défendez bien entendu votre position mais c’est le Juge qui tranchera et décidera qui de vous ou de votre adversaire aura raison.
Dans notre cas d’espèce, Mr et Mme Denver, acquéreurs, pourraient avoir gain de cause : dans le compromis la condition résolutoire de régularisation des travaux était claire. En plus les vendeurs ont omis de préciser qu’il y avait d’autres travaux à réaliser. Leur avocat trouvera certainement de la jurisprudence, de la doctrine et quelques articles de loi qui confirmeront que si la condition résolutoire se réalise, le contrat est résilié. Les vendeurs quant à eux ont toujours été de bonne foi, ils avaient déjà introduit une demande de régularisation avant la signature du compromis, jamais ils n’ont pensé que la réaction de l’administration se ferait tant attendre malgré les multiples rappels envoyés. Et puis, quelle surprise d’apprendre qu’il y avait d’autres travaux à régulariser. En outre malgré le dépassement de la date prévue pour la signature de l’acte authentique, les acheteurs ont bien confirmé par écrit qu’ils restaient intéressés par la maison et ils n’ont pas précisé qu’il y avait de date limite. Difficile de dire avec certitude qui a raison. Le juge donnera peut-être entièrement raison à l’une ou l’autre des parties. Celle qui perdra aura perdu du temps, de l’argent mais aussi beaucoup d’énergie. Celle qui gagnera sera heureuse mais aura eu beaucoup de frais et aura dépensé beaucoup d’énergie et subi beaucoup de stress. Par ailleurs, le juge pourrait donner partiellement raison aux deux et chaque partie restera sur sa frustration. |
Médiation |
Soit les parties ne parviennent pas à un accord et renoncent à la médiation en cours de processus. Dans ce cas elles auront effectivement perdu un peu de temps et un peu d’argent mais elles conservent tous leurs droits et peuvent continuer à défendre leur position en introduisant une procédure judiciaire.
Soit les parties parviennent à un accord et quel que soit le contenu de cet accord, elles en seront les seules architectes, elles auront construit ensemble cet accord en tenant compte des intérêts de chacune d’elle. Elles auront également fait preuve de créativité.
Dans cet exemple : Ø Les acheteurs comprendront que les vendeurs étaient vraiment de bonne foi. Ø Les vendeurs reconnaîtront qu’ils ont appris que les acheteurs s’étaient séparés et allaient sans doute divorcer. Les vendeurs pensaient que c’était cela la raison pour laquelle les vendeurs ne voulaient plus acheter. Les vendeurs apprendront qu’il ne s’agissait que d’une rumeur dans le village. Pour preuve, les acheteurs sont toujours ensemble et continuent à chercher une résidence secondaire. Ø Tous les deux se sont aussi alliés contre l’administration qui a tellement tardé à diligenter le dossier. C’est d’ailleurs ensemble que les parties tenteront de récupérer qui a été imposée aux vendeurs qui n’ont pas réalisé les travaux dans le temps imparti (Mr Denver est expert fiscal et son aide est précieuse) Ø Par ailleurs, l’agent immobilier qui est un ami des vendeurs les a informés qu’une maison répondant entièrement aux critères des acheteurs était à vendre pour le prix de 350.000€ dans le village. Les acheteurs très attachés à ce village ont envoyé une offre, car grâce à l’intervention de l’agent, ils ont pu l’acheter au prix de 325.000€. Ø Mr et Mme Montana soulagés de l’aide de Mr Denver pour la récupération de l’amende administrative se sont engagés à lui payer cette somme si elle leur était restituée par l’administration. De plus, ils proposeront de rembourser la moitié de l’acompte perçu, proposition acceptée par Me et Mme Denver qui reconnaissent avoir été un peu imprécis et lents à la réaction. |
- Quels autres avantages ?
En plus de l’économie de temps et d’argent ainsi que la satisfaction de trouver un accord sage tenant compte de tout ce qui est important pour chaque partie, il est évident qu’une médiation restaure ou améliore la relation entre les parties.
Par ailleurs, la confidentialité du processus permet aux parties de travailler dans un cadre sécurisant et rien de ce qui aura été dit pendant la médiation ne pourra être utilisé à l’occasion d’une procédure ultérieure éventuelle. Dans certain cas, sachant qu’une audience devant un tribunal est publique, les parties, qui souhaitent conserver la discrétion, seront également rassurées par la confidentialité et le « huit-clos » de la médiation.
Enfin, la médiation suspend le cours des prescriptions, ce qui ne vous prive d’aucun droit ultérieur en cas d’échec de la médiation et, le cas échéant, l’accord homologué à force de jugement entre les parties et est exécutable.
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[1] Le nom des parties est purement fictif. Les éléments de faits ainsi que le contenu de l’accord ont été quelque peu modifiés afin de respecter le secret professionnel
[2] Les taux horaires sont une moyenne non officielle mais qui sont raisonnables. Tant les avocats que les Médiateurs peuvent convenir d’un forfait en lieu et place d’un taux horaire. Les chiffres ont été arrondis pour faciliter la lecture.
[3] La loi prévoit que les honoraires sont divisés à parts égales entre les parties à moins que celles-ci ne conviennent d’une autre répartition.